S’il est un écrit, un ouvrage ou un récit de l’histoire qui ait remporté le prix de controverse au Bénin depuis l’avènement de la démocratie, c’est bien sûr le livre’’ Mon Combat pour la parole’’ de Réckya Madougou.
Si des critiques suscitées par un écrit peuvent être classées dans la logique du principe démocratique qui concède à chacun son opinion, l’ampleur des remous et les menaces enregistrées par l’auteur contrastent avec cette même démocratie. Toute personne éprise de la liberté de presse et d’écriture consacrée par la démocratie, tout défenseur des droits de la femme ne saurait rester insensible à la situation.
Il paraît à peine concevable que du peuple béninois épris de paix et de justice, qui a digéré sans rechigner les œuvres d’autres auteurs à la plume plus virulente envers l’ancien chef de l’Etat et l’actuel, que de ce peuple, disions-nous, surgissent des gens peu tolérants envers Réckya Madougou pour son ouvrage. Certainement que ceux-là, animés d’un esprit phallocratique qui restreint constamment toute surface de liberté de la femme, trouvent aussi, à travers ce livre, l’occasion de démontrer leur amour peu naturel pour un ancien chef.
C’est peut-être aussi pour eux une opportunité de se venger de l’auteur du livre qui, faut-il le rappeler, a osé prendre le devant d’un combat inédit. Une telle attitude, une telle besogne de leur part relève, sans doute, d’une manœuvre politicienne qui pourrait avoir pour but de créer une inimitié entre Mathieu Kérékou et Boni Yayi. Mais en réalité, l’ouvrage décrié n’est pas, a priori, écrit contre l’ancien chef de l’Etat qui ne saurait porter lui seul toute la charge des dérives liées au système de gestion en question. S’il est vrai que le chef endosse tout, il est aussi vrai que ceux qui ont le plus profité de ce que d’aucuns appellent la faiblesse, l’esprit du bon père du président Kérékou sont encore en vie et se voient peut-être menacés par la publication de cet ouvrage qui immortalise leur forfait.
Si c’est cela la polémique autour de ‘’Mon Combat pour la parole’’, elle s’essoufflera d’elle-même quand elle manquera bientôt d’argument. Mais avant que ces gens de l’ombre ne se taisent, ils sont dans le point de mire de l’opinion nationale et internationale au regard des menaces à peine voilées dont fait l’objet l’auteur de l’ouvrage. Le Bénin a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils pour se construire. On reconnaît sans doute à Mathieu Kérékou d’avoir servi ce qu’il a de beau, comme il le pouvait à sa patrie.
L’initiative de l’historique conférence nationale et la réussite et l’après-conférence, le peuple béninois les lui doit sans doute. Mais il est aussi à reconnaître que Réckya Madougou, femme combattante, rare spécimen de la gent féminine qui se soustrait constamment à l’habituelle et inutile lutte intestine entre femmes, et qui, par ailleurs, affiche un goût du risque, mérite d’être soutenue.
De telles âmes ayant le courage de leurs opinions et nanties de force pour les assumer sont indispensables pour une démocratie. Des hommes et femmes qui savent aller loin, au bout de leur vision, quels que soient leur condition sociale, leur rang politique, se comptent au bout des doigts. Que Réckya, en tant que ministre au gouvernement, publie son ouvrage écrit auparavant, relève aussi d’un acte de courage de sa part, même si on pourrait lui conseiller, si on en avait eu l’occasion, un autre ton d’écriture et une autre date pour cet événement.
De toute façon, ce qui intéresse l’éditorialiste de Dignité Féminine n’est pas que le contenu de l’ouvrage, mais plutôt l’auteur. Réckya Madougou, femme d’une honnêteté et d’un courage parfois effrayants, demeure d’une manière ou d’une autre une femme dont le Bénin a besoin et c’est cela qui motive les réactions de soutien de ses admirateurs. Savoir reconnaître à chacun ses mérites, concéder aux femmes la plénitude de leurs droits n’a rien d’incompatible avec le développement qu’appellent les uns et les autres de tous leurs vœux. On peut être femme, jeune et être mandatée d’une mission importante à assumer dans la vie. Tenter d’étouffer un tel plan de Dieu serait vain effort.
Qu’au nom de la démocratie, au nom de l’image enviée de président inoffensif à la presse qu’a laissée le Général Mathieu Kérékou alors qu’il avait tout le pouvoir de sévir, qu’au nom du respect des droits de la femme, cesse la polémique et avec elle les menaces. Chacun a sa manière d’écrire l’histoire. A vos stylos, allez et dans le sens contraire à Réckya, pourquoi pas ? C’est cela qui nourrit la démocratie.
Honorine HOUNNONKPE ATTIKPA